Le Grand Photographe Anglais Sort Son Premier Livre, Moitié Croquis, Moitié Photos

By Dominique Godrèche

6 March 2009

Miles Aldridge publie pour la première fois un ouvrage de ses croquis et photos, Pictures for Photographs, aux éditions Steidl 7L. Il dévoile sa façon d’appréhender la photo lors de sa phase imaginaire, dont la préparation s’origine dans le dessin et l’ébauche d’une séquence cinématographique, évoquant les films d’Alfred Hitchcock et David Lynch, réalisateurs auxquels le photographe anglais voue une admiration de longue date. Avec une exposition à Londres, à la Hamiltons Gallery, du 2 avril au 10 mai, puis à la Galerie Steven Kasher, à New York, du 28 mai au 27 juin, Miles Aldridge signe une ‘fin de cycle’ d’un parcours créateur aux confins de la mode, de la poésie, et de l’art.

 

Que représente ce livre pour vous ?

 

Mes dix dernières années de travail, un ouvrage de rêves, dessinés, destinés à créer des photos, et la fin d’un cycle de travail, mon premier livre commercialement accessible. auparavant, j’avais publié des catalogues d’exposition – de luxe – non disponibles au public.

 

Quel sens donnez-vous aux dessins ?

 

Comme un story-board, il s’agit d’une préparation à la séance photo, totalement privée. c’est cela qui a intéressé Karl Lagerfeld (co-éditeur du livre). ces notes reflètent ma façon de penser la photo avant le shooting. dès qu’une idée me traverse l’esprit, je réalise un croquis ; si j’aperçois une femme dans un train, un homme qui fume dans un hall, je me dis : ‘voyons ce que cela donnerait pour une photo de mode’. j’imagine une séquence, puis une autre… et ça se termine en film. mais cela démarre toujours sur une image : sera-t-elle drôle, sexy ? j’en fais une histoire. je travaille ainsi pour Vogue Italie par exemple. Le dessin est un second langage, il me sert à developer une idée. j’en réalise beaucoup, ils sont l’expression secrete de la photo. il me semble que ce qui a plu à Karl Lagerfeld est aussi l’aspect textuel, pictural, qui pour moi représente l’infini point de vue, exprimé par le dessin, d’un homme, sur une femme, à de multiples niveaux… Le dessin annonce la photo.

 

Vos photos rappellent les films de David Lynch ou d’Alfred Hitchcock ; ces réalisateurs vous ont-ils beaucoup influencé ?

 

Absolument ! L’image doit être intéressante, excitante, à partir d’une scène de la vie réelle : une femme en train de préparer un gâteau, une situation tout à fait ‘normale’ en soi, mais qui peut signifier le début d’une photo. Ces situations du quotidien, Je les transforme afin que de simples scènes deviennent bizarres, en amenant l’attention sur une cuillère, un ballon, lors de la fabrication d’un gâteau, par exemple. ainsi, tout à coup, l’image prendra un caractère freudien, pervers, sexy… Je joue avec une imagerie travaillée, comme pour un film. mes images ne sont pas pragmatiquement narratives, je les considère comme le poster d’un film. Comment représenter l’intimité de cette femme ? De quelle manière évoquer sa part secrète, en quatre ou cinq images ?

 

A propos d’images freudiennes… Quelle a été l’influence de votre père, Alan Aldridge, célèbre dessinateur britannique ?

 

(Rire) Ah ! Eh bien, Je n’ai jamais voulu le tuer ! Il a eu une bonne influence sur moi… J’ai le souvenir de moi, enfant, assis sur ses genoux, pendant qu’il dessinait d’incroyables insectes géants, le butterfly ball, en 1973, un mélange intriguant d’images psychédéliques, et victoriennes, très anglais… qui a suscité chez moi un fort intérêt pour l’image, dès un très jeune âge. J’ai commencé à dessiner, entouré d’images psychédéliques, de musique, de Pop Art, dans l’ambiance de Soho, dans une maison constamment visitée par des musiciens, avec un père génial, drôle, aux cheveux longs, ressemblant à une pop star ! Et puis, lorsque mes parents ont divorcé, il est parti poursuivre une carrière à Los Angeles dans le cinéma, et il a laissé tous ses livres d’art à la maison. Je me suis alors retrouvé dans cette situation freudienne : tel le maître de maison, parmi tous ses livres, mais sans père. Ses livres étaient pour moi une source de grande inspiration… si nous continuons sur cette pente, notre entretien va bientôt se transformer en séance de psychanalyse… pour terminer sur ce sujet, ces livres sont devenus, pour moi, un objet freudien, une représentation de l’image du Père.

 

Quelles sont vos principals influences en matière de cinema et de photographie ?

 

Alfred Hitchcock et David Lynch, en effet : lorsque j’ai vu Blue Velvet, la première fois, cette histoire terrifiante a pénétré mon âme, et même si elle était malsaine, elle n’en était pas moins visuellement excitante. ces couleurs folles… ces images ont eu un impact considérable sur mon imagination visuelle.

 

Quel matériel photo utilisez-vous ?

 

Je me sers du rolleiflex 6008, et du Linhof technika, et des films fuji. pour les lumières, j’utilise un flash, le tungstène, et le Kino flo. j’aime les images cinématographiques, j’ai un sens méticuleux de la lumière.

 

La compétition entre photographes de mode est-elle très présente ?

 

Oui, bien sûr ! mais un grand nombre de photographes de mode ont décidé d’utiliser le numérique. ce à quoi j’ai résisté, en continuant à me servir des films car le travail en numérique me semble plus linéaire, plus banal. je n’y trouve pas la qualité et le secret du laboratoire, la création de la couleur… cet aspect secret. avec la révolution numérique, les photographes shootent avec les mêmes films, il y a moins de variété, et c’est dommage!

 

Continuerez-vous à dessiner avant de prendre des photos ?

 

Ah oui ! en ce moment même, j’ai déjà réalisé trois cents dessins pour un nouveau projet. adolescent, je voulais devenir comme mon père : je le regardais, pendant ses expositions, en train de signer ses livres, et je me disais : “c’est génial, je veux faire comme lui !” je me suis donc inscrit dans une école d’art, malgré ses résistances, car il faisait partie de cette mouvance des années 1950 qui n’avait pas suivi d’études de dessin. il me disait : ‘sers-toi de tes mains : dessine !. mais j’ai tenu à prendre des cours, et j’ai bien fait. ces quatre années m’ont été vraiment utiles.

 

Pensez-vous que les photographes de mode, qui exposent dans les musées (comme LaChapelle ou Demarchelier), soient aujourd’hui intégrés au marché de l’art ?

 

Certainement ! c’est en effet ce qui se produit depuis les 15 dernières années concernant David Lachapelle, Patrick Demarchelier, et moi-même je l’espère. Notre travail peut être considéré comme de l’art. je dois ajouter que le marché de la mode se montre très généreux dans son soutien à la créativité. Il ne s’agit pas simplement de réaliser une photo de mode. Le travail d’un photographe de mode, aujourd’hui, consiste à avoir un point de vue ; ce qui, finalement, est assez proche de la définition de l’artiste.

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